Arina ESSIPOWITSCH

Les roches fluides

Arina Essipowitsch propose une réflexion singulière sur la photographie, un espace mouvant et dynamique, une expérience immersive.
Son travail, profondément nourri par son expérience de la migration et du déplacement, se construit autour de la notion d’identité en tant que concept fluide, fragmenté et multiple.
Dans ses séries de photographies l’artiste aborde ces notions par la mise en scene. Les personnages semblent vouloir fusionner avec les paysages aquatiques et minéraux, « faire un » avec le temps fixé de roche, et le temps fluide des cours d’eau.
Plus d’un jeu de chameleon ces mises en scene révèlent un equilibre fragile des paysages en mouvements. À travers ses installations photographiques, elle déconstruit la perception de l’image fixe pour en faire un processus vivant, un acte participatif et sensoriel.
Si dans les prises de vue l’artiste expérimente les mise en scenes dans les paysages uniques et met son corps à l’épreuve, la photographie, dans son œuvre, ne se réduit pas à une captation du réel, mais devient un terrain d’expérimentation où le spectateur joue un rôle actif.
En brisant la frontière des deux dimensions, Essipowitsch transforme ses images en objets tangibles, manipulables, malléables. L’artiste invite le spectateur à s’approprier l’image, à habiter l’espace photographique et à en devenir un élément constitutif.
L’identité, au cœur de sa démarche, est abordée sous l’angle de la pluralité. L’artiste la conçoit comme une entité éclatée, évolutive, un palimpseste en perpétuelle réécriture. Ce questionnement intime et autobiographique s’élargit pour interroger le médium lui-même : la photographie peut-elle saisir une identité en perpétuel mouvement ? Peut-elle être autre chose qu’un instant figé dans le temps ? Son travail déconstruit le paradigme du « conserver » pour ouvrir un espace où l’image devient un geste, un acte en devenir.
Les scans de pellicules argentiques moyen formats, agrandis jusqu’aux tirages de plusieurs mètres qu’elle intègre à ses installations amplifient cette exploration de l’image comme matière vivante. En jouant sur l’ambiguïté du médium – entre photographie-image, photographie-objet et photographie-processus –, Essipowitsch trouble la perception et redéfinit le rapport au visible. L’artiste nous invite à reconsidérer le rôle de la photographie dans notre appréhension du monde.
La question du regard, de la matérialité et de l’engagement du spectateur est au cœur de ses installations. Dans un monde où l’image est omniprésente et souvent consommée avec passivité, Arina Essipowitsch nous rappelle que voir est aussi un acte physique, une interaction, un dialogue en perpétuel renouvellement.
Exposition
du 28.08.2024 — 26.10.2024
Ouverture le 28 Août 2024 de 18h à 22h avec un concert d’Amelia Tabei à 19h
Performances le 31 août 19h, le 5 octobre 19h, le 26 octobre 19h

Extrait du DP, text La compagnie Lieu de Création:
Arina Essipowitsch propose un espace de jeu où les visiteurs-ses sont invité.es à faire varier les formes photographiques à l’infini. Images pliables, robes photographiques à porter ou cubes à manipuler : les œuvres troublent la frontière entre image, sculpture, chorégraphie. Leur sens s’éveille et s’épanouit lorsqu’elles sont mises en action.
L’envie de recomposer des surfaces du monde dans lesquelles nous sommes nous-mêmes les corps qui animent les images, tel est le désir que l’artiste poursuit avec ses propositions labyrinthiques.
N’est-ce pas que ceux, celles qui regardent, mettent en mouvement la photographie ? Et là, comme pour la première fois, ces images à l’échelle de nos corps sont disponibles au sol. Ce jeu grandeur nature déploie un univers chaotique où nous expérimentons la résistance de la matière. Si l’image est notre deuxième peau, elle est aussi une image-puzzle infinie et ouverte.
Danse muette, bruissante — où nous avons l’impression de nous maintenir au monde.

- Paul-Emmanuel Odin
(c) Arina Essipowitsch ADAGP, Paris, 2024


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 

Image: Mimesis (Autoportrait, Jaujac), 2024
Guide de salle, "Image sans fin", 2024, installation, set de 16 cubes, de 45cm de coté chaque, bois, colle, tirage 540x360cm: Image: Mimesis (Autoportrait, Jaujac), 2024